Le fond et les éclisses

Le fond et les éclisses

Benoit de Bretagne Fonds et Eclisses   L’utilisation de certains types de bois pour le fond et les éclisses (ou côtés) est moins critique que pour le choix de la table d’harmonie : ceux-ci colorent le son de l’instrument, donnant une personnalité, favorisantainsi un registre précis ou prolongeant la note. A cette fin, on utilise des bois durs. Le fameux luthier Espagnol Antonio de TORRES (1817-1892), pionnier de la guitare classique que l’on connaît aujourd’hui, voulu en démontrer l’importance de la table à des musiciens sceptiques : il construisit une guitare à la table en épicéa et aux éclisses en « papier mâché » ;les guitaristes,assez surpris, la décriront comme étant un « très bon instrument » ! Une même espèce peut offrir des différences de qualité ; la façon dont ce bois sera coupé et séché sera d’un grande incidence sur le résultat final !

Le palissandre du Brésil ou de Rio

 Benoit de Bretagne Palissandre de Rio  Le titre de « roi des bois » est décerné au palissandre du Brésil, quasiment un mythe, en phase finale d’extinction. Son nom latin est « dalberfia nigra ». Sa densité varie entre 730 et 870 kg/m3. Par le passé, c’était le seul palissandre utilisé en lutherie et ébénisterie. Il va du magnifique strié marron-rouge « pain d’épice » (comme sur les vieilles Martin) au marron foncé, en passant par l’orange vif ou encore les tons roses ou verts des guitares classiques. Ce bois magnifique combine des qualités remarquables, telle la projection du son,avec des basses profondes et généreuses. Son point faible, en dehors de sa stabilité médiocre (difficile de le trouver « au quartier ») et de sa fragilité, est, assurément, son prix (le plus élevé des palissandres). Un palissandre Brésilien de haute qualité peut atteindre 1000 euros le jeu !!! Le palissandre brésilien étant plus lourd que les autres palissandres, le luthier « compense » en le travaillant un peu plus fin, au travail il s’en dégage une subtile odeur sucrée, un régal ! On l’utilise aussi souvent pour les chevalets et les placages. Il est important de noter que cet espèce est protégée par la convention C.I.T.ES. et que sa vente comme son utilisation en sont limitées.

Le palissandre de Madagascar

 Benoit de Bretagne - Palissandre de Madagascar  Il existe plusieurs variétés de « Dalbergia barroni », le palissandre de Madagascar ou le voambona qui proviennent de Madagascar. C’est le bois le plus proche en terme de son et d’apparence au Palissandre de Rio mais avec un plus une grande stabilité! On retrouve les meilleures attributs des vieilles fournitures: brillance, couleurs profondes(orangé, marron chocolaté, violet) et motifs intenses: « gouttes d’eau » , « toiles d”arraignée », les qualités sonores sont aussi là: clarté, projection, cet effet de pleinitude ou « cathédrale »! c’est pour cela que l’on le nomme « le nouveau Rioé ! Il est facile de le travailler et de le cintrer, disponible en grande quantité (même si les guerres civiles, ouragans ont traversé cette belle île), le prix de ce palissandre atteint déjà la moitié des sublimes Rio.

Le palissandre des Indes ou de Bombay

Benoit de Bretagne - Palissandre des Indes   Le palissandre Brésilien devenant rare, les luthiers se sont tournés dès 1965 vers son cousin, le palissandre Indien. Son nom latin est « dalbergia latifolia » et sa densité se situe entre 650 et 850 KG/m3. Son grain est serré et sa couleur varie, tantôt pourpre, brun violacé, parfois orange tirant sur le marron ou même presque noir. Le palissandre des Indes, ou de Bombay, est légèrement plus léger que le Rio mais possède la même structure, avec des pores ouverts ; il est quand même plus stable. Comme de nombreux noies durs et tropicaux, il contient des dépôts de minéraux, laissant des résidus blancs dans les pores,et aussi un grain entrelacé. Le meilleur palissandre Indien est sauvage, celui des plantations étant inférieur en qualité mais aisément disponible, souvent nommé « palissandre Indonésien » ou « sonnokelling ». Il pousse rapidement et offre une apparence délavée avec de fortes nuances vertes. Ses caractéristiques sont très similaires au Brésilien, avec peut-être une moindre projection ; il s’inscrit donc comme l’actuel standard.

Les autres palissandre

   Ceci inclut le palissandre d’Amazonie,le palissandre du Honduras (du Brésil), le palissandre de Santos (Bolivie) connu sous le nom de « pau ferro”, le « kingwood”, « morado”, le « sissoo mahogany » (comme le palissandre Indien), qui provient des montagnes Indiennes, les palissandres Africains tels « le bubinga » ou encore le fameux « blackwood africain”(certainement un des bois le plus ressemblant au Rio, au point de vue sonore,de rareté et de prix!). Sans oublier le »cocobolo » provenant du Sud du Mexique ou d’Amérique Centrale (côte pacifique),Il possède les mêmes caractéristiques que « le Roi des palissandres » (projection, basses, profondeur,etc…) ; il est cependant plus lourd et se travaille plus difficilement. De plus, de par sa nature huileuse, il peut créer problème au collage et nécessite un nettoyage préalable à l’alcool éthylique industriel. C’est un bois très coloré, aux teintes jaunes, marron et orange. Il existe d’autres ‘dalbergia » ainsi que d’autres bois durs et tropicaux d’Amériques du Sud, décrits comme « palissandre » mais n’appartenant pas à cette famille ; on les appelle souvent « jacaranga » ou « palissander », termes commerciaux ne signifiant pas pour autant qu’il s’agit de véritables palissandres.

L’acajou

Benoit de Bretagne - Acajou HondurasBenoit de Bretagne - Acajou PommeléBenoit de Bretagne - Acajou Sapelli   Il existe de nombreux acajous : plus de 300 sortes ! Mais le plus utilisé en lutherie et le Brésilien, suivi du Honduras. Son nom latin est « swietenia macrophylla » et sa densité se situe entre 480 et 580 kg/m3. L’acajou de Cuba, « swietenia mahogainci » a été utilisé pendant des siècles mais n’est malheureusement plus disponible !Les stocks sont rares et atteignent des prix très élevés, un des plus élevés des bois ! D’autres acajou tel le sapele, « entandrophragma cylindricum » (d’Amériques du Sud), de densité entre 560 et 690 kg/m3 et l’acajou Africain « khaja ivorensis », de densité entre 530 à 590 kg/m3, sont souvent utilisés lors de la construction de guitares, mais plus au stade industriel comme chez TAYLOR par exemple, qui utilise le sapele pour le fond et les éclisses. Ce bois de densité moyenne, de couleur marron doré avec reflets rosés, souvent figuré : pommelé, flammé et est très stable. Il donne un son clair et propre dans les basses (parfois trop proéminent avec le palissandre),avec chaleur et une belle durée de vie de note(sustain). On l’utilise énormément pour la facture de guitares steel string (folk), ainsi que pour les manches et les détails intérieurs tels les barrages, les contre éclisses. Difficile à cintrer par comparaison au palissandre (étant donné sa faible teneur en huile) il devient fragile à la chaleur et se brise soudainement.

Le cèdre du Brésil

   C’est un bois dur, très différent du cèdre rouge « thuya plicata” ; il est également connu sous le nom de « cederela ». Il ressemble à l’acajou mais sa structure est plus ouverte. Lorsqu’on le travaille, il en émane une odeur très forte mais plaisante. On l’utilise beaucoup pour la fabrication des manches de guitares classiques en raison de sa légèreté et de sa solidité. La fameuse firme MARTIN l »utilisera aussi jusque dans les années 20. Les détails intérieurs de l’instrument peuvent être également effectués dans ce bois, donnant ainsi une senteur aromatique agréable. Des poches de résine risquent aussi malheureusement de donner un rendu disgracieux au vernis.

L’Erable ou Sycomore

Benoit de Bretagne - Erable FlammeBenoit de Bretagne - Erable MarbreBenoit de Bretagne - Erable Pommelé   Il est considéré comme un bois « moderne » dans la facture de guitare alors qu’on l’utilise depuis des siècles dans la famille du violon. On l’utilise souvent lorsqu’il est extrêmement figuré : flammé, ondé, pommelé ou moucheté. Bien que ceux-ci soient très plaisant à l’œil, ces motifs engendrent souvent des difficultés lors du travail (ex. : rabotage, cintrage).

Les trois espèces les plus utilisées sont:

    • l’érable européen, « acer pseudoplanatus », de densité entre 590 et 720 kg/m3,
    • le « rock maple », « acer saccharum », de densité entre 750 et 820 kg/m3,
    • le sycomore (le plus commun dans nos régions), un peu plus tendre.

   Les meilleurs érables proviennent d’Europe Centrale (où ils poussent doucement et régulièrement en altitude), ou encore d’Amérique. De couleur jaune pâle ou blanc, il se prête à merveille aux variétés de teintes (ex: ambré, sunburst). Sa puissance, comparable à celle du palissandre, fait de lui un concurrent remarquable, une alternative. Il est toutefois plus « discret”, « transparent” laissant ainsi place qu’aux qualités de la table d’harmonie. Souvent utilisé pour les guitares de jazz, il gagne petit à petit sa place dans la fabrication des guitares acoustiques (plus fréquent en guitare folk, en flamenco, mais presque inexistant en guitare classique).

Le cyprés

   Ce bois est essentiellement associé à la guitare flamenco. Il est plus « méditérranéen” qu’ espagnol, importé il y a des siècles d’Asie mineure, on le trouve en Italie et d’autres régions européennes ou encore aux États Unis (San Francisco) ou au Canada. Similaire à l’érable pour sa structure, mais d’un jaune plus soutenu, il est très aromatique et d’un poids léger. Son nom latin est « cupressus sempervirens », sa façon de pousser en fait un bois de faible qualité présentant des nœud et un grain peu droit ; par conséquence, en bonne qualité, il devient rare et onéreux.

Le Koa

Benoit de Bretagne - Koa   Il est impossible de ne pas mentionner le koa, variété d’acacias des îles Hawaiiennes. Son nom latin est « acacia koa » et n’existe que dans ces îles Ce bois est de couleur brun-orangé, aux belles veines foncées. Tout d’abord utilisé pour la facture de l’Ukulele, à la vue de ce magnifique bois les industries et luthiers eurent vite fait de l’ importer pour la facture de guitares à cordes acier. Dans les années 30, après le crack boursier, de nombreuses firmes connues(Weissenborn, Martin, Gibson…) l’ont utilisé comme substitut à l’acajou devenu trop cher. Avec des couleurs allant du marron à l’or au grain variable et riche, des ondes profondes, on le trouve ondé et flamm酅 de ce fait il est difficile à travailler et cintrer. Même si cet arbre pousse rapidement, il faillit disparaître par la déforestation massive des forêts natives, cependant une prise de conscience écologique de la population fit que cette espèce est replantée régulièrement (2arbres plantés pour un coupé), une bonne initiative à suivre ! Ses qualités sonores se rapprochent à celles de l’acajou, de belles basses profondes mais pas démesurées, chaleur et clarté mais avec plus de registre dans les médiums. Aujourd’hui on le trouve dans des modèles haut de gamme et même dans la facture de guitares classiques. Une essence « envoutante” dont le prix ne fait que grimper !

Les autres bois

   Des bois tels le citronnier, « satinwood » (provenant d’ Inde et d’Asie), le « padauk » de couleur orange-carotte, le Ziricote très similaire au Rio, « l’ébène de Macassar » strié de belles lignes noires et blanches de l’est de l’Indonésie, l’ « Acacia noir” d’Australie(cousin du koa) est des plus ressemblants et un superbe possibilté, les fruitiers comme le poirier, le cerisier ou le noyer peuvent être utilisés à condition de posséder un grain assez fin. Il vaut la peine de s’intéresser à des espèces alternatives étant donné le nombre croissant des bois « traditionnels » menacés d’extinction et trop chers ou trop difficiles à trouver.