LES BELLES HISTOIRES DE TONTON PICKING
Aventures dans un magasin de guitares .
Tous les ans , du 15 juin au 15 septembre , pour des raisons professionnelles , je passé l'été chez moi , dans le Finistère . C'est toujours un grand bonheur de retrouver sa famille , ses amis et les magnifiques paysages Bretons .
En Bretagne , la scène musicale est formidablement vivante . Il y a un grand nombre de lieux où l'on peut trouver des scènes ouvertes . Que ce soit les manifestations festives et touristiques ou tout simplement des bars et restaurants qui offrent , une à deux fois par semaine , l'opportunité de se retrouver sur une petite scène . Devant un public toujours chaleureux .
Donc , en soirée , ce ne sont pas les choix qui manquent . Vais-je assister au spectacle de Soïg Sibéril à la Chapelle St-Gildas ? Vais-je assister à la prestation de Jean-Charles Guichen au Fest-Noz de Plougastel ? Vais-je écouter du folklore Breton ? Soir après soir , si on aime les spectacles « vivants » , c'est l'embarras du choix ...
J'emmène toujours une guitare avec moi . Durant l'été 2006 , j'avais choisi d'emporter mon modèle LL36 . Donc , le soir , après avoir fermé ma galerie d'Art , j'aime aller m'encanailler dans des lieux à musiques . Souvent , il suffit de venir avec sa guitare pour pouvoir se joindre à une « formation » qui tape le boeuf . Bien sûr , la musique tournera toujours sur un thème « Celtique » de trois ou quatre accords . On y rencontre un « vieux » folkeux , sortis du formol , qui joue depuis quarante ans le même thème sur sa vielle à roue au milieu de jeunes accordéonistes , flûtistes , guitaristes et violonistes . Curieusement , au bout d'une dizaine de minutes , tout se met en place . Toujours ...
Très rapidement , je me suis rendu compte que , dans cette promiscuité d'instrumentistes , il existe un risque accru pour l'instrument . J'ai donc décidé de faire l'acquisition d'une bonne guitare , beaucoup moins onéreuse , prête à subir les outrages inévitables d'une vie de « bohême » d'un ou plusieurs étés .
Le lendemain , j'ai parcouru les magasins de musique de la ville voisine . A la recherche de la compagne idéale . Six cordes , une caisse et de la puissance ...
Dans un des rateliers , où étaient suspendues une dizaine de grattes , je remarquais cette petite Yamaha de format OM . Belle , simple , sans ostentation . Je demande au vendeur si je peux essayer cet instrument . Le garçon me décroche la guitare et me la met entre les mains . Yamaha LS16 format OM , spéciale Finger-Picking .
Je déteste essayer une guitare dans un magasin qui n'est pas équipé de cabines spécialement destinées à cet effet . Et , en France , c'est très rare . Je sortais mon accordeur de ma poche . La première chose que je contrôle est la justesse absolue , sur tout le manche . L'aiguille doit rester sur le « O » à la douzième case comme sur la première . Je tolère une très légère oscillation ... La corde de Mi aigüe , à la douzième case , doit être l'éxacte réplique , à l'octave , du Mi à vide ! Les marchands n'aiment pas trop voir ça !
J'accordais donc la guitare . Une justesse absolue . Partout . Sur toutes les cordes . Lorsque je plaquais les premiers accords , à partir de la huitième case , je découvrais une facilité de jeu invraissemblable . Montée en light 12/53 , la guitare était puissante , ronde . Un peu « verte » , elle sonnait comme toute guitare neuve . Neuve mais puissante . Pour moi , c'est un critère important . Nul doute qu'elle s'ouvrirait très vite ...
Je jouais depuis dix minutes , installant malgré moi , une animation musicale dans le magasin . Le vendeur , venant rejoindre les trois ou quatre personnes atroupées devant moi , me proposa d'essayer des guitares d'un « niveau » supérieur . A la main , il tenait une Takamine . Pour lui faire plaisir , je l'essayais . Comme la plupart des guitares de cette marque , aucune projection remarquable . Pas de personnalité . Je me souviens qu'il y avait une lampe à l'intérieur comme dans mon vieux VOX AC 30 ! Au bout de deux minutes , la Takamine me tombait des mains ...
Puis le bougre revint à la charge avec une Lakewood ! Beaux bois . Mais un son d'une pauvreté renversante . Le vernis avait une curieuse apparence . Comme le vendeur découvrait que je maîtrisais quand même le sujet , en matière de grattes , il voulait me fourguer un modèle « haut de gamme » . Il ne se gêna pas pour revenir me faire essayer une Cort L900C . Pour du "haut de gamme" , le vendeur ne manquait pas de cet humour particulier , que l'on retrouve entre Brest et Le Faou ! Bon ! Mais pas mal ! Il faut aimer les tables en bois de cèdre . Mais , toujours la même constante : PAS DE SON ! Je ne cherchais pas un instrument pour jouer dans ma chambre , assis sur mon lit , devant le miroir , mais une putain de gratte pour lui arracher les tripes dans des bouges , des tripots et des tavernes Bretonnes ! Bien sûr , à chacune de ces guitares , je faisais passer le test de l'accordeur ! Misère ! Y compris une autre Yamaha FG380 , fausse à partir de la septième case ...
La manoeuvre des vendeurs est toujours la même . Lorsqu'un client éventuel touche sa bille , qu'il y a du monde dans la boutique , le vendeur va lui faire essayer tout ce qu'il a de mieux en magasin , espérant « ferrer » d'autres clients . C'est de bonne guerre ! Lorsqu'il y a des cabines d'essayage , c'est un paramètre qui n'éxiste plus . On n'est peinard avec la gratte ...
Au bout de dix minutes supplémentaires , le vendeur arriva avec une Taylor . Il la tenait comme une relique de Saint-Colombus , retrouvée au large de Landevenec , un jour de Troménie . Je l'essayais . Vraiment pour lui faire plaisir . Remarquables finitions . Beaux bois . Mais le son ! Aigüs clairs , médiums précis et basses malingres . Le "problème" Taylor , quoi ! Pas de réelle identité en acoustic . Je l'inspectais soigneusement . Un manche fait de morceaux de bois aboutés ! Saint-Colombus en kit !
Si !
Je fais remarquer au vendeur que pour 3200 euros , Taylor pourrait avoir la décence d'utiliser des morceaux de bois massifs . Et là , le bougre me fait une théorie absolument incroyable . Me disant que cette formule de construction est préférable à toute autre pour la justesse de l'instrument .
Si !
Sans rire , le gars .
Il répétait texto les arguments de l'agent commercial qui lui fournissait la marque !
Donc , pour résumer , tous les luthiers , depuis quatre cent ans , se plantaient , question bois . Se plantaient question lutherie ...
Sacré toi va ...
J'ai entendu , éxactement , les mêmes salades pour d'autres grattes , dans les années soixante-dix !
Attends mon gars ! J'ai mon accordeur . Je contrôle ! Tu parles d'une justesse . Exactement les mêmes arguments que pour les guitares ARIA dans les années soixante-dix . De la salade marketing ! Les guitares Taylor m'ont toujours donné l'impression d'être les plus Indonésiennes des guitares Américaines . Quoique les bois aboutés , pour le manche , même les Indonésiens n'ont pas osé ...
J'ai payé ma yamaha LS16 et je suis parti . Depuis quatre ans , elle faisait tout ce que je lui demandais . Sans broncher . Sans me montrer de la souffrance . FIABLE . De la gratte quoi ! Et , attention , pour 790 euros , palissandre massif (fond et éclisses) , épicéa d'Engelman AA pour la table . Touche et chevalet en ébène noir !
Rapport qualité-prix au-delà de toutes considérations .
Pour la voir et l'entendre : http://www.youtube.com/watch?v=vAexyspn26s
Quelques fois , il m'est arrivé d'essayer le même modèle , à travers mes déplacements . Je n'ai pas rencontré les mêmes qualités sur toutes les Yamaha LS16 . Loin de là ...
Aujourd'hui , elle passe des jours heureux en Touraine .
ATTENTION :
Rien à voir , toutefois , avec Martin , Santa-Cruz , Bourgeois ou encore Collings !
Faut pas déconner non plus ...
