Triste nouvelle : le 5 octobre 2011, Bert Jansch est mort

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KOBAIAAH
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Triste nouvelle : le 5 octobre 2011, Bert Jansch est mort

Message par KOBAIAAH »

Triste nouvelle : le 5 octobre 2011, Bert Jansch, 67 ans, nous a quitté pour toujours. Réplique anglaise à Bob Dylan dans les années 1960, le héros de la « british folk » avait récemment repris sa guitare sèche, pris en auto-stop par Neil Young ou en tournées avec son groupe de « folk baroque » Pentangle. Le Jimi Hendrix de la six-cordes acoustique répondait aussi à l'une de ses toutes dernières interviews (« Chronic'art #71 ») que nous republions ici, en hommage au maître. RIP.

En 1965, l'écossais Bert Jansch débarque dans la grande histoire de la musique populaire anglo-saxonne de la même manière qu'il arrive à Londres depuis son Edimbourg natale : en auto-stop, le pouce levé vers le ciel. Strolling down the highway, premier titre du premier album éponyme de Bert Jansch, fidèle à la tradition folk (musique des gens, musique du quotidien), mêle déjà la légende et l'histoire, la fiction et le document, l'artiste et l'homme : « Dusk 'till dawn I'm walking / Can you hear my guitar rockin'? / While I stroll on down, on down the highway ». L'homme sur le bord de route a 22 ans, il a bourlingué deux ans à travers l'Europe, musicien de rues et de cafés, fuyant la sédentarité, ou un mariage écossais avec une Lynda Campbell de 16 ans, qu'il évoque sans doute dans Oh how your love is strong, chanson de famille abandonnée et de père abandonnant, ou Rambling's going to be the death of me, idéalisant la liberté du voyageur, à tout prix. « Soyez passants », et pourtant, voilà Bert rattrapé par une dysenterie à Tanger, rapatrié en Angleterre, faisant un court siège de Londres pour s'y installer rapidement barde folk plus hip encore que Donovan.

Cadence andalouse

Jansch est né en 1943 à Glasgow, élevé à Edimbourg et à la musique folk par Archie Fischer (futur organisateur de l'Edinburgh Folk Festival) et Jill Doyle, demi-sœur de la jeune gloire locale Davey Graham, que d'aucuns considèrent comme l'inventeur de l'instrumental à la guitare acoustique (paternité sans doute partagée avec John Fahey à la même époque aux Etats-Unis), avec le classique Anji, composé à 19 ans, et devenu un rite de passage pour tous les guitaristes « fingerstyle » en herbe : une « cadence andalouse », adaptée du flamenco, qui descend en picking mélancoliques, et qu'on entendra chez Dire Straits (Sultan of swings) ou Deep Purple (Smoke on the water), pas moins. La soeurette fit aussi découvrir à Jansch les protest-singers américains Pete Seeger ou Woody Guthrie, les bluesemen Leadbelly ou Big Bill Broonzy, ce dernier venu du Mississipi passer une retraite européenne dorée en se présentant comme « laboureur noir du Sud » ou « le dernier des bluesmen vivants », interprétant en solo les chants folkloriques du Sud américain. En arrivant à Londres, Jansch étudie aussi les accordages compliqués du revivaliste folk Martin Carthy, et partage un appartement avec la chanteuse Anne Briggs, qui l'initie aux chansons traditionnelles (comme Down by blackwaterside, complainte séculaire d'une femme au coeur brisé après une promesse de mariage déçue, que Jansch reprendra sur son Jack Orion de 1966).

Revival

Avec ce beau bagage, complété par l'écoute de disques de jazz (Charlie Mingus notamment, qui inspirera le tournoyant Alice's wonderland du premier album) et l'inspiration du haschisch marocain (dont il sera longtemps grand consommateur), le « rambler » Jansch devient à 22 ans la figure-clé du revival folk britannique, dans les bars londoniens et sur les premiers jalons d'une longue et belle discographie. Pas moins de 25 albums en plus de quarante ans de carrière, sans compter les live, compilations et albums réalisés au sein du groupe Pentangle, traduisent cette ancienne musique en formes modernes, tant musicalement que dans les sujets abordés. Aujourd'hui, lorsqu'on demande au « Bob Dylan anglais » de quoi il est le plus fier, ce qu'il a amené en tant que guitariste, ou de son oeuvre de songwriter, il répond simplement : « Pour moi, les deux sont indissociables. La première fois que j'ai eu une guitare entre les mains, j'ai écrit une chanson... Inventer une technique pour jouer une chanson ou composer pour explorer une technique, cela revient exactement au même. Ce sont les deux faces d'une même pièce. Tous les grands musiciens qui m'ont influencé, Brownie McGhee ou Leadbelly, Pete Seeger ou Doc Watson, étaient des grands songwriters. Ils ont révolutionné la guitare, mais ils la considéraient juste comme un accompagnement. Les Anglais aussi, comme Davey Graham, ne se posaient pas la question de la technique de la même manière que les gens de notre époque ».

Guitare Parts

Pourtant, c'est la bien virtuosité de Jansch et l'inventivité de son jeu de guitare qui semblent avoir d'abord marqués les esprits : par des signatures rythmiques non-conventionnelles (passant dans un même morceau du 4/4 au 3/4 et au 5/4, selon l'humeur des paroles chantées), un style de jeu en clawhammer (sorte de picking utilisé en banjo, utilisant le pouce et l'index, en attaquant les cordes de bas en haut, sans pratiquement jamais brosser d'accord), avec des dispositions d'accords inédites (supprimant une note, en doublant une autre), ou en s'accordant, à la suite de Davey Graham, en « DADGAD ». Différent de l'accordage standard (Mi La Ré Sol Si Mi), les 6 notes de ce nouvel accordage deviennent Ré La Ré Sol La Ré (de la corde la plus grave à la plus aiguë), ou « DADGAD » en notation internationale, fréquent dans les musiques traditionnelles, qui permet notamment de conserver une note « bourdon » en permanence sur tout l'arrangement, ou d'avoir la totalité des cordes à vides appartenant à la gamme... Enfin, perfectionniste et probablement inspiré par les musiques orientales, Jansch tend ses cordes parfois avec une telle subtilité (d'un demi-ton, mais pas tout à fait), qu'il parvient à créer un effet d'étrangeté aux oreilles occidentales, habituées à l'échelle diatonique classique.

Histoire secrète du rock'n'roll

Lorsqu'on lui rappelle cette réputation de novateur, Jansch répond modestement : « Davey Graham fut le premier à faire bouger les choses, à faire entendre la musique traditionnelle d'une manière inédite, comme un genre vivant qu'on pouvait habiller dans des nouveaux habits ». Et sur ce premier album de 1965 - enregistré sur bandes dans un appartement, avec une guitare empruntée, et cédé au label Transatlantic contre la modeste somme de 100 Livres -, Bert Jansch paie déjà son tribut à son maître, en reprenant son classique Anji, et en intégrant, comme lui, des éléments de jazz, de blues, de sonorités indiennes et arabes, et de musique de la renaissance élisabéthaine. Le jeune Jimmy Page, guitariste de Led Zeppelin, reconnut très vite l'apport fondamental (sans jeu de mot) de Jansch dans le jeu de guitare folk moderne : « A un certain moment, j'étais totalement obsédé par Bert Jansch. Lorsque j'ai entendu son album de 1965 pour la première fois, je ne pouvais pas y croire. C'était tellement à l'opposé de ce que tout le monde faisait. Personne, dans toute l'Amérique, n'était capable d'atteindre ça ». Le traditionnel Down by blackwaterside, évoqué plus haut, sera ainsi repris à la manière de Jansch (et sans qu'il soit crédité) en 1968 sur le premier album de Led Zep', en Black mountain side. Son bourdon continu permettait, selon Page, de simuler le son d'un sitar, et d'apporter une « touche indienne » au morceau. C'est à l'écoute de ce titre que William S. Burroughs aurait invité Page à se rendre à son tour au Maroc, et à y découvrir comment la puissance hypnotique du rock'n'roll trouvait des parallèles dans les musiques arabes… C'est dire l'influence « occulte » des voyages musicaux de Bert Jansch sur la grande histoire du rock.

Protest songs

D'autres musiciens manifestèrent plus respectueusement leur admiration pour Bert Jansch. Donovan popularisa sa protest-song Do you hear me now, en la reprenant sur le EP Universal soldier, qui atteignit le sommet des charts UK en 65, et lui dédia plus tard deux chansons (Bert's blues sur Sunshine superman et House of Jansch sur Mellow yellow). De son côté, Neil Young s'inspirera de la chanson Needle of Death, plaidoyer anti drogues dures de Jansch, pour son propre The Needle and the damage done, et sacrera plus tard le Britannique comme son guitariste préféré. Nick Drake, Johnny Marr ou Bernard Butler ont aussi été largement influencés par Jansch, et The Black Swan, son dernier album de 2006 produit par le bassiste Noah Georgeson (Joanna Newsom, Banhart) comprend des collaborations avec Devendra Banhart, Otto Hauser (Espers, Vetiver), Beth Orton et David Roback (Mazzy Star). Si l'évolution idéologique de notre rapport à la tradition fait que nous n'écoutons plus la musique traditionnelle et le folk de la même manière en 2011 que dans les années 60, selon Jansch, la dimension protestataire « est toujours là, quelque part, en arrière-fond de toutes mes chansons. Je sais que la folk music n'est plus utilisée dans le même genre de meeting politique que dans les années 60. Je sais aussi que si j'ai une opinion politique, je préfère l'exprimer dans une chanson plutôt que de descendre dans la rue ».

Folk Baroque

En 1966, il rencontre un autre virtuose de la guitare, John Renbourn, avec qui il va connaître un certain succès commercial : en mélangeant leurs deux cultures (blues et folk), entrelaçant des parties de guitare complexes et interdépendantes, les deux musiciens vont parvenir à un son original qui va marquer la scène anglaise (Fairport Convention arrive juste derrière, avec une formule plus électrifiée), dénommé « Folk baroque ». Après Bert and John, Jack Orion ne contient que des chansons traditionnelles écharpées, chantées de la voix rauque et parfois maladroite de Jansch, où ils s'approprient et renouvellent l'idiome folk avec une sauvagerie aride et un primitivisme archaïque qui touchent au mythologique (sur l'incroyable The Gardener notamment, magique concerto de cordes et de râles). Cette veine expérimentale se développera à partir de 1967 avec le groupe Pentangle, réunion des deux guitaristes et de Jacqui McShee (chant), Danny Thompson (contrebasse) et Terry Cox (batterie) qui pousse plus loin encore le mélange des genres musicaux, en une étrange fusion entre folk médiéval et jazz des années 40, synthétisée par les années hippies : « Avec Pentangle, l'étiquette jazz nous est venue du fait que Terry et Danny venaient de là. Mais Jacqui était bien plus au fait de la musique traditionnelle que moi et les autres. Mais tout ce que j'ai fait dans ma carrière s'est fait de manière très spontanée. C'était une évolution naturelle des choses. Un mouvement organique ».

Pentagramme

Mélange d'improvisation sur des thèmes jazz (Monk, Mingus), d'interprétations de gospels et de folklore traditionnel, la musique de Pentangle était surtout appréciée sur scène (les concerts duraient tellement longtemps que l'on raconte que les musiciens s'endormaient parfois sur scène) et la qualité des albums alla déclinant, en même temps que les liens du groupe se distendaient, jusqu'au Salomon Seals de 1972, et l'introduction - modeste - de guitares amplifiées, voire fuzz. « Je suis un guitariste purement acoustique. Ca ne changera jamais. Je ne me sens pas à l'aise en dehors du monde acoustique. On utilise des amplis sur scène avec Pentangle, mais dès que le son est trop fort, j'ai l'impression que le lien entre mes doigts et le son que j'entends est brisé. Je ne contrôle plus rien. Contrairement à John Renbourn, je suis incapable de maîtriser un ampli. Mais j'apprécie le folk électrique. J'aimais beaucoup ce que faisait Richard Thompson sur électrique. Je ne suis pas un intégriste cependant, ça fait quarante ans qu'on est passés à autre chose. Et j'aime vraiment toutes sortes de musiques, qu'elles soient amplifiées ou pas. La musique que faisait Les Paul, qui est l'instigateur de la musique électrique, est fabuleuse. Et je sais aussi que la plupart des guitaristes électriques, quand ils rentrent à la maison, jouent sur leur acoustique ».

Sécheresse

Séparé en 1973, le groupe s'est cependant reformé récemment pour des tournées internationales, tandis que Bert Jansch s'est retrouvé cette année en première partie de la tournée de Neil Young : « Ces deux dernières années, ma femme et moi avons été très malades, et cette proposition de Neil et d'Elliot Roberts, son manager, m'a comme ramené à la vie. Il a un public superbe, même si très spécial. Et sa musique est bien plus nourrie par le folk que ce que je pensais. J'ai eu beaucoup de plaisir à entendre ce qu'il fait avec une guitare électrique ». Après quanrante-cinq ans d'une longue et belle carrière, Bert Jansch ne renie rien, sinon ses albums « pop », Nicola (1967) et Birthday blues (1969), aux antipodes de son goût pour une expression brute, où la sophistication sert l'intention plutôt que de la déguiser : « A un moment, le mouvement a explosé en autre chose. Mais je m'y suis vite senti perdu dans cette chose qu'on appelle la pop music. La musique populaire, dans les années 60, c'était la musique qui passait à la radio, qui faisait vibrer la jeunesse. Et puis c'est devenu comme de la musique classique diluée, des belles idées vidées de leur substance pour ne plus déranger personne. J'étais très mal à l'aise en modifiant ma manière de travailler. J'ai eu l'impression que mon monde entier était transformé. Je n'ai jamais pu oublier le mouvement underground du folk, tous ces chanteurs de rue inconnus qui ne passaient pas à la radio, qui ne jouaient pas dans les festivals ». Bert Jansch est essentiel.

Olivier Lamm & Wilfried Paris
Guy
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Benoit de Bretagne
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Message par Benoit de Bretagne »

Merci Guy, oui triste nouvelle apprise hier sur le forum(rubrique découvrir un artiste) !
http://www.benoit-de-bretagne.com/phpBB ... hp?t=10366

Je l'avais vu il y a quelques années (1999 ou 2000?) à Brighton, c'était super même s'il avait des gros gros soucis de boisson ! Il avait joué 2fois le même morceau à la suite et raconté 2fois la même anecdote, sans s'en rendre compte ! mais malgré cela la musique était de qualité !

Il a coloré la musique folk anglaise, un des pionniers, une des empreintes avec David Graham, John Renbourn, il avait un style inimitable, une voix pas toujours juste mais quel charme ! Il va nous manquer !!!

Benoit de Bretagne
gogibus
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Message par gogibus »

Mon guitariste préféré avec John Renbourn....
J'étais allé à Londres exprès pour acheter ses disques introuvables à l'époque en France... en 1970 :roll: :roll: :roll:
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Benoit de Bretagne
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Message par Benoit de Bretagne »

Salut Jean Claude ! et ouais, on fini toujours par quitter ce petit monde :? Ca me fout un coup cette triste nouvelle ! Dis donc allez en Angleterre chercher les disques en 70's ! ce devait être un sacré périple, quelle passion dévorante nous vivons !!!!

ps: dire qu'aujour'hui on téléchargeen 1minute la discographie complète, le travail de toute une vie d'un musicien, son postérieur assis sur sa chaise :roll: !

Benoit de Bretagne
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Picking-Man
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Message par Picking-Man »

:(

Ce guitariste a été ma toute première influence , lorsque j'ai découvert son premier disque en 1968 .

C'est lui qui m'a donné l'envie de jouer avec les doigts .

C'est son premier disque éponyme qui m'a fat plonger tout entier dans le Finger-Picking . Pour l'adolescent que j'étais , son jeu était impressionnant . Il l'est resté longtemps .

Lorsque je l'ai rencontré "pour de vrai" , en 1974 , la magie du personnage était un peu retombée . Il avait alors à faire face à de gros problèmes d'addictions diverses .

Il jouait , à l'époque , sur une superbe guitare Yamaha FG 1500 ! Il en tirait des sonorités agréables et enchanteresses .
Je voulais la même ...

Comme tous ceux qui appréciaient sa musique , je reste d'une grande tristesse .

:(
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