
Démêler le vrai du faux à propos de la guitare de Tony Rice relève de la gageure.
Tout à été dit, trop même. Ce n’est qu’en utilisant les propos tenus par Roland White, le frère de Clarence White, et par Tony Rice lui même, qu’une approche de la vérité peut être tentée.
La famille White acquit la Martin D28 #58957 chez "Mc Cabe’s guitar" à Los Angeles vers 1960. Ils la payèrent, selon Roland White, 25$. Ils la choisirent à cause de son prix, elle était la moins chère du magasin. La touche étant manquante ils durent ajouter 25$ pour installer une touche de guitare "Gretsch" disponible dans la boutique. Clarence White utilisa principalement la guitare pour l’accompagnement, lui préférant une D18 pour les solos. Roland White rapporte que la D18 était meilleure. Elle fut volée dans les années 60.
En 1963 Clarence white & les Kentucky Colonels empruntèrent de l’argent à Joe Miller qui était propriétaire d’une chaîne de magasins de "vin & spiritueux" à Pasadena, Californie, pour financer une tournée sur la cote Est des états unis. La tournée n’ayant pas rapporté l’argent escompté, la dette ne fut que partiellement remboursée. Peu de temps après, Clarence White commença à jouer pour Ricky Nelson à la guitare électrique. Il donna la D28 à Joe Miller pour s’acquitter de sa dette. Plus tard, alors guitariste des Byrds et plus fortuné, Clarence proposa à Miller de lui racheter la guitare. Celui-ci refusa et les deux hommes se fâchèrent.
Un an et demi après la mort de Clarence White en 1973, Tony Rice se mit à la recherche de la Martin D28 #58957. Il commença par téléphoner à tous les magasins vendant de l’alcool à Pasadena, demandant Joe Miller. Chanceux, il le trouva, pu établir un contact, expliqua les relations qui le liaient à Clarence White et surprise, Miller accepta de lui vendre l’instrument. Mais, avant de la lui céder, il devait déterminer un prix de vente et fit appel à un luthier spécialisé dans les violons pour pratiquer une expertise. Tony Rice rapporte qu’il s’attendait à un montant de 5000$, ce qui était dans ses cordes, le moins que l’on puisse dire pour l’achat d’une guitare.
Le luthier dit à Miller que si l’instrument était en bon état, il vaudrait 1000$ mais qu’en l’état, il ne valait que 500 à 600$. Joe coupa la poire en deux et Tony Rice l’obtint pour 550$. Dans l’heure qui suivit, il était dans l’avion pour Los Angeles, c’était le 5 Mars 1975. Lorsque Tony récupéra la guitare, elle était devenue une épave. Il la porta à Randy Wood qui refit la jonction talon-caisse, changea le chevalet, le renfort de chevalet ainsi que les barrettes. La troisième mécanique n’est pas d’origine et l’élargissement de la bouche est antérieur à l’achat de la guitare par la famille White. Lors d’une expertise chez Martin il apparut que le dos et les éclisses auraient pu provenir d’autres instruments.
Pour le son, cette guitare a un volume pratiquement égal à la moyenne des "Herringbone" de la même période, les basses ne sont pas "boomy" et elle est bien équilibrée.
Tony Rice a fait son jeu sur cette guitare et il sait particulièrement bien la faire sonner.
Note : En photo, Clarence White et la D28 #58957.