1ere séance : 3h
PREPARATION DU FOND
Nous avons pris deux pièces d’Ovengkol (ou ovangkol ou rougier) du gabon (bien sec : 26 ans de séchage) La première étape consiste à choisir l’orientation des pièces (haut, bas, dessus/dessous) Nous avons placé l’aubier au centre (la partie la plus large de l’aubier représentant traditionnellement le bas de la caisse) Deux grands traits en biais à la craie pour marquer les pièces et ne pas s’emméler les pinceaux après en confondant le dessus avec le dessous ou le haut et le bas.
La deuxième étape, c’est préparer la tranche à jointer. Pour cela, nous avons placé la planche sur une planche dotée d’une bête cale au bout pour maintenir la pièce en place, on tient la planche en s’appuyant dessus pour qu’elle ne bouge pas, ensuite nous avons raboté la tranche des deux planches séparément avec une demi varlope (voir le site de hmd pour ceux/celles qui ne connaissent pas). J’ai terminé et affiné le travail en ponçant, ce qui quand on a le coup de main, n’est pas nécessaire. Pour repérer toute inégalité sur le bois, on recouvre la surface à la craie, puis un ch’ti coup de cale à poncer et les creux restent blancs, ce qui permet de définir où attaquer. Une petite découverte pour moi sur le ponçage de la tranche : C’est un bon coup vif et sec d’env. 5 cm en avant,pas plus, dans le sens du fil, puis, SANS décoller la cale de la pièce, un retour à vide, c.a.d. sans pression, mais au contact !!
Cela fait, on vérifie le joint en tenant les deux pièce fermement bien à plat face à la lumière voir s’il y a un jour. Puis on laisse reposer (une semaine, c’est l’idéal)
LE MANCHE
Il s’agit d’acajou du brésil.
La première étape consiste à aplanir un premier coté (le luthier l’a fait en 2/3 coups de varlope !!!) puis tailler l’autre coté de façon pile poil parallèle. Pour cela, on utilise un trusquin de luthier. C’est une tige avec une lame ronde en carbure au bout, avec un guide mobile sur la tige que l’on fixe à la longueur voulue. Ici, on a pris 78mm (en laissant de la marge, la largeur finale du manche sera moindre). Nous avons donc marqué le bois sur l’ensemble des deux faces avec le trusquin. Et hop, à la varlope les feignasses, on enlève l’excédent (aaah, mes premiers copeaux !) Très agréable, j’ai découvert qu’en retournant la pièce, on pouvait plus facilement attaquer les bosses et obtenir un bon parallèlisme ce qui permet de mettre de long coups et faire de superbes copeaux. Finition au ponçage pour le débutant que je suis…
LE TASSEAU DU MANCHE
Il est fait de deux pièces d’acajou que l’on colle ensemble, fil contre fil pour plus de solidité. (en plus, c’est joli, l’effet mirroir)
On abrase donc les faces à coller pour que les deux pièces s’épousent parfaitement. Pour cela, on utilise une grande planche recouverte de papier ponce, gros grain (60) et on fait de grandes rotations dans les deux sens des aiguilles d’une montre. Attention, ça va vite, faut faire deux trois coups et regarder ce que cela donne. Vérification à la craie pour repérer les bosses. Une fois cela fait, on hachure grossièrement avec le dos de la lame d’un cutter l’intérieur de la surface à encoller pour améliorer le collage (ne pas hachurer jusqu’au bord !)
Ensuite, on enduit une face de titebond rouge. Une couche moyenne, ou l’on devine la teinte du bois. Pour répartir la colle uniformément, on fait glisser les deux pièces l’une contre l’autre jusqu'à ce que la colle prenne (résistance). Puis on serre jointe avec deux tasseaux. Les serres joints sont mis tête bêche et si possible centrés sur la pièce. Attention, les pièces bougent à chaque ¼ tour de serre joint, il faut remettre les pièces en place à chaque fois..Mieux ce sera ajusté, moins il y aura de travail après.
COLLAGE DU FOND
Pour cette opération il faut une grande planche de format supérieur aux pièces à coller. On commence par clouter un tasseau dessus pour caler la première piece contre.On met du papier journal pour que le fond ne colle pas à la planche.On place ensuite la première pièce contre le tasseau clouté. Au niveau de la tranche à coller on glisse une fine planchette de 2mm d’épaisseur et de 2cm de largeur environ pour surélever légèrement les deux pièces du fond au moment du collage. Là, on place la deuxième pièce du fond contre la première, en poussant fort, mais pas comme un malade, avec le deuxième tasseau pour trouver sa position sur la planche, puis on le cloute à la planche. Maintenant, passons au collage.
L’ovengkol est un bois huileux, donc faut bien nettoyer les tranches avec du dégraissant pour que la colle prenne bien. On enduit une généreuse couche sur les tranches et on pose la première pièce en place. Si on veut un fin filet sur le dos (3/10è de mm), c’est le moment de le plaquer sur la tranche, en essuyant bien l’excès de colle avec un chiffon.Puis la deuxième pièce. Lorsque l’on tire sur la planchette, les deux pièces s’abattent, on essuie l’excès de colle, verifie que le filet est bien en place (il faut le tenir en place lorsqu’on abat les pièces) Puis une autre feuille de papier journal et un pièce pesante (quelques kilos suffisent) assez longue au dessus du joint et on laisse reposer…
Comme je ne suis pas sûr d'être hyper clair pour les visuels, je vous mets une copie retouchée de mon cahier de notes:

2ème Séance : 2heures ½
l'outil du jour: le rabot à dents.

D'ailleurs, si le luthier, Liberto, voyait cette photo, il me taperait sur les doigts avec le marteau (vous vous demandiez ce qu'il faisait là, hein? Ben, vous savez maintenant!) Un rabot, ça se couche au repos, sinon, ça s'abime. Derrière, vous voyez le tasseau du manche.
MISE A EPAISSEUR DU FOND: Liberto a dégagé la pièce au préalable et l’a nettoyée pour moi, sympa, mais snif quand même, parce que du coup je ne sais pas trop comment m’y prendre pour virer l’excédent de colle sur le joint et poncer proprement la surface…Ce n’est que partie remise, je lui dirai que je tiens à le faire pour la table ! Toc !
Donc, maintenant le moment est venu de se retrousser les manches et suer comme un verrat en rut : il faut gratter toute la surface interne avec un rabot à dents pour passer de 3.5 mm à 2.4mm le plus uniformément possible. . Le dos est plaqué et serre jointé (avec un tasseau, bien sûr) sur une planche de travail.

Petit truc pour choisir la surface externe, une fois nettoyée de l’excédent de colle, on examine la pièce (de profil dans le sens de la longueur), elle sera bombée d’un coté (comme le papier qui se courbe naturellement dans un sens plutôt que dans l’autre), c’est la face externe…Qu'on ne touchera pas bien sûr!
Pour commencer, il faut pousser le rabot « en crabe » c'est-à-dire de biais, histoire de choper le coup et éviter de faire des bétises irréparables. En effet, quand on le fait avancer, mais à 45° sur la gauche (à vos 10h quoi, quand comme moi, on est droitier, le rabot, lui reste bien plat sur la pièce à travailler), on rase gentiment la surface sans onduler dans le bois (sinon, ça fait grschhhhh grschhh brout brout brout, un peu comme un kart sur un terrain de 4X4, pas cool !) Il faut que le mouvement soit fluide et ample. Une fois chopé le coup, on peut commencer à redresser un peu le rabot, ce qui permet d’attaquer un peu plus en profondeur, jusqu’à ce qu’on le tienne pratiquement droit et là, on attaque vraiment le bois. Là ou c’est délicat, c’est qu’avec le frottement, le bois chauffe et devient plus tendre. La chauffe est très discrète, mais suffisante, et au lieu de quatre ou cinq passes pour retirer moins d’ 1/10è de mm, on obtient le même résultat en une ou deux passes…Il faut très régulièrement vérifier l’épaisseur (donc retirer le serre joint etc…) pour s’assurer d’avoir un résultat uniforme, et c’est chaud ! Donc,les zones creuses sont délignées à la craie, histoire de voir ou ne pas gratter…Arrivé à 2.4mm environ partout, on s’arrête. Normalement on continue jusqu’à 2/2.2mm en y allant mollo,mollo et vérif d’épaisseur…Mais avec mon inexpérience, c’est très risqué, donc on va la passer à la [strike]dégauchisseuse [/strike] calibreuse (bien sûr!) pour l’amener à l’épaisseur voulue.
A ce stade, on ne manipule les pièces qu’à deux mains, sauf si la pièce est à la verticale. Le pire étant bien sûr de tenir la pièce d’une main sur la largeur, à coup sûr elle finira par se fendre, et quand ça arrive, c’est d’un coup, même pas le temps de finir de dire Me**** ! que vous avez recréé le miracle de la multiplication des pains…Mais en lieu et place de OOh,et AAh de l'auditoire , c'est des pains dans la G**le que va vous distribuer le luthier qui voit du bois gaspillé par un **#@ de cremiard didju de bon à rien de nigaud que vous êtes!
DECOUPE DU FOND:
Liberto me donne directement le gabarit du fond, je me ferai une copie plus tard, quand on aura du temps à tuer, il me montrera quel matériau utiliser (si,si...), les cotes,tout ça…
Donc, on trace à la craie le contour de la moitié de la guitare sur la face interne, en oubliant pas de mettre l'aubier à l'intérieur. Comme je suis débutant, il a rajouté un petit mm de marge de sécurité

Pour le bocfil, il faut mettre la planche à découper sur une planche qui la maintienne en place. Pour cela, on prend une bête planche plane. On a découpé une pièce taillée en V (8/10cm environ) dans le bord supérieur (la largeur quoi !) Ce V laisse la place nécéssaire pour le bocfil de scier la pièce tout en soutenant l’ensemble du fond pour pas qu’il ne se fende. Il faut faire très attention, ça peut fendre sans crier gare ! Le bocfil doit être tenu bien droit, sans forcer. On ne scie que vers le bas, et d’un mouvement léger, mais rapide..Il faut aussi toujours garder les doigts sur la partie en cours de sciage autour de la lame pour éviter que le bois ne se fende ! Quand on veut tourner, faire un peu de sur place, pour se scier la marge nécessaire à la lame pour qu’elle tourne gentiment. Attention ! Pas de gachis : tout le bois est utile…D’une, en haut de la caisse, il faut laisser de la place pour la pièce triangulaire que l’on va coller sur le talon, pour que cela colle pile poil avec le fond. De deux, si la pièce est assez grande, les bords externes peuvent être utilisés pour faire un placage de tête qui sera parfaitement assorti au fond !!! Sans compter que le reste permettra de faire des réparations éventuelles en cas de gros accident. Donc, il faut « signer » les chutes…Si l’on fait plusieurs guitares et que l’on veut s’y retrouver.

Notez les zones réservées pour le placage de tête et pour le talon...Une fois découpée, la pièce résonne déjà avec de belles harmoniques (il faut la tenir sur le coté, à environ 1/5 de la taille totale de la pièce et DOOOOnnnnIIIIUUUnnngnne, Génial!!!! (en fait les harmoniques sont cachées dans le gggnnnnn de la fin, mais bien audibles en faisant attention!)
Voila, c’était tout, un peu physique, mais très enrichissant, avec plein de questions en tête pour les prochaines séances…La suite la semaine prochaine.Pour les photos, désolé qu'il n'y en ait que 3, je suis encore timide, ça me donne l’impression d’être un vulgaire touriste ricain…Je ferai des efforts la prochaine fois.)
3ème séance: 2h30
LE JOINT DU FOND
Pour poser le joint du fond, il faut préparer la surface interne du fond-La finir quoi ! Et pour cela, rien de tel qu’un simple racloir- pièce de métal d’un peu plus d’une dizaine de cm sur 7 de hauteur et d’un ou deux mm d’épaisseur. Cet outil d’apparence rudimentaire est magique ! Il permet de lisser les fibres du bois, donnant un aspect brillant à la surface qui fait très zoliiieeu ! Il permet également un travail de très grande précision sur l’épaisseur : je sais maintenant comment faire pour retirer des centièmes de mm sur du bois ! Et ça c’est top de la balle (comme y disent aujourd’hui


Et pour passer de 2.3mm à 2.1mm ou 1.9mm suivant les endroits, il y a du boulot !!! La bleusaille que je suis a mis 1h30 (les 15 dernières minutes, [strike]je grattais à peine de la poussière tellement j’en pouvais plus…[/strike]Euh je veux dire que j’étais devenu hyper précis : quelques millièmes de bois enlevés à chaque passe…La grande classe quoi !!!


[mode mauvaisefoi=off] Et je ne suis pas parvenu à 1.9mm comme escompté le long de tous les bords comme prévu, :no: j’ai du me contenter de 2mm sur le bas de la caisse.

TRACES DU JOINT ET DES RENFORTS
Maintenant que la face interne est (presque) prête, il faut tracer les repères des renforts avant collage (parce qu’après collage du joint central, c’est mission impossible d’être d’équerre) Donc on prend le gabarit et on commence par reporter très précisément sur le fond la silhouette du corps et les repères des renforts du fond (perpendiculaires au joint central.) Ensuite, on prend une longue règle de métal que l’on scotche pile sur la ligne centrale, elle sert à caler l’équerre pour tracer les perpendiculaires parfaitement à partir des repères que l’on a marqués. Comme ça:
AAïïe! pas taper j'ai dit!! (j'oublierai plus mon apn maitresse, c'est promis!)

Ensuite,on enlève la règle et on fini les tracés en restant le plus précis possible, sinon, les pièces seront de traviolle, ce qui n’est pas seulement moche, mais affectera la qualité du son !
Ensuite, commençant à deux centimètres du bas de la caisse on trace minutieusement une ligne parallèle à la ligne centrale et à 1cm de celle-ci. On scotche maintenant la règle le long de cette ligne qui va nous servir de guide cale pour le joint quand on collera.
PREPARATION DE LA BAGUETTE DU FOND
C’est une baguette en épicéa d’environ 40cm de long, de 4.5mm de large et 2.5mm d’épaisseur. On doit la poncer pour qu’elle ne fasse plus que 2cm de large et que la surface à coller soit propre et plane. La hauteur et la forme, ce sera plus tard...Le ponçage est délicat, c’est un bois tendre et le fil est dans la largeur du bois (ben oui, hein ! Question résistance mécanique, les joints et les barrages sont plus efficaces si leur fil est perpendiculaire au fil de la pièce à renforcer.) Donc attention à ne pas trop poncer ni casser la pièce.