Quelques histoires tristes de guitares malheureuses qui se terminent bien sauf une.
1/ J’étais à un concert de Roger Mason, un très bon guitariste picking qui jouait sur une D18 Vintage. Le spectacle se déroulait en 1974 à Lille dans ce qui devait être un ancien couvent. L’accès à la scène se faisait en descendant quelques marches après avoir ouvert une petite porte. Lorsque Roger Mason apparut tenant à la main son étui, il le buta en tentant de se glisser dans l’étroit passage, l’étui s’ouvrit et la guitare, surgissant tel un diable de sa boite, dévala les quelques marches qui la séparaient du sol. J’ai encore en mémoire le bruit, amplifié par la caisse, que fit l’instrument. Une bouteille de gaz butane descendant l’Everest !
Blême, Roger ramassa sa guitare, l’examina succinctement, s’assit et débuta le spectacle.
Le plus extraordinaire dans l’histoire fut le titre du premier morceau : "Le blues de la poisse" (!!!). Eh, oui, c’est comme ça ma bonne dame, y’a des choses qui ne s’inventent pas .
Note : Voir sur mon site à la rubrique "Pioche" en bas à gauche la photo de Roger Mason avec sa D18.
Lire absolument la bio de ce guitariste atypique :
http://www.gpassociation.com/sacres/mason/mason.htm
2/ Un autre très bon guitariste Américain vivant, lui aussi, en France dans les années 70 : Gary Peterson. Très attaché à Lucienne Boyer, une chanteuse de variété des années 50 pour laquelle il avait fait les arrangements studio d’un de ses LP, il lui avait donné la table de sa D28 pre-war a dédicacer. Ce qu’elle fit fort consciencieusement au stylo bille…
3/ Chriss Newman, guitariste flatpicker Anglais et ami, possesseur d’une excellente OM18 1929 vraisemblablement prototype ainsi que plusieurs Martin dont 2 OM45, eut une bien triste mésaventure alors qu’il était en tournée aux "states" ( Je sais, ça fait bien…c’est comme "ami"…). Alors qu’il embarquait à l’aéroport de Chicago, "states", sa Martin OM45 fut, lors de son chargement dans la soute, éperonnée par un chariot élévateur. Transpercée et complètement inutilisable, il fut, bien sûr, indemnisé par l’assurance de l’aéroport. Il s’acheta une nouvelle OM45 chez Elderly (Dites le avec l’accent ça fait bien aussi…), racheta l’épave à la compagnie d’assurance, trouva un luthier talentueux à son retour en Angleterre, la fit réparer et continue aujourd’hui à l’utiliser comme si rien ne s’était passé.
4/ Août 1995. Nous partons ma famille et moi en vacances. Soudain à hauteur d’Orléans, le drame. Ma femme qui conduisait est surprise par un sac plastique jeté de la fenêtre du véhicule nous précédant. Coup de volant, coup de frein et tonneaux. La voiture détruite, l’autoroute coupée, une caserne de pompiers mobilisée, trois ambulances, et moi emmené par hélicoptère le bras gauche fracassé. Huit heures de bloc opératoire pour tenter de réparer mon humérus, un an d’arrêt de travail sans savoir si je pourrais rejouer un jour de la guitare et le lendemain après avoir émergé, le souvenir de L’OM45 Deluxe que j’ai demandé à une de mes filles, miraculeusement indemne, d’emmener dans l’ambulance avec ma femme.
Retour en arrière ("flash-back" ça fait bien aussi…), lorsque j’ai acheté la Deluxe j’ai eu l’excellente idée d’acheter aussi un étui Markleaf, un coffre fort ambulant.
Bon, j’en étais où ? Ah, oui ! Quelques jours plus tard je demande à ma fille de m’apporter la guitare. Je constate que l’étui a souffert, quelques trous, une fermeture tordue. Je l’ouvre et là, le miracle, la guitare est intacte! rien! même pas un barrage décollé ! Merci Markleaf !!!
Je vous rassure, j’ai récupéré après un véritable parcours du combattant, ma famille, plus légèrement touchée, aussi. L’étui a été réparé chez Leroy Merlin et la guitare sonne comme une malade! Le morceau "Cicatriste" sur mon CD raconte cette douloureuse histoire.
Vous l’avez deviné, la seule histoire qui se termine mal est celle de l’ "Herringbone" de Gary Peterson, quelle horreur !!!..