Benoît de Bretagne - Luthier - Pas de Calais

Bonjour à tous!

J'entame une série d'exercices de réparation/restauration. Je partagerai certains d'entre eux, pour le partage, mais aussi pour avis et conseils. Voici le premier projet.

La première guitare, neuve, d'un gamin. Elle est posée dans sa housse sac à dos, couvercle abaissé. Mais la fermeture éclair n'est pas tirée... Plus tard le garçon prend sa housse et l'enfile sur son dos. L'étui s'ouvre et c'est le grand saut...















Je vais tenter le puzzle...

Juste le puzzle? Tu ne penses pas que vue la nature de la cassure un renfort (une cheville) serait la bien venue?

Voilà une guitare Sanson car il lui a coupé la tête, ça ne vous rappelle rien ?

Quand j'ai eu la meme mésaventure avec ma blueridge, le Luthier m'a dit que la tete ne tiendrais jamais (reconstitution du puzzle) du coup il a refait une tête et un petit bout du manche assemblé avec queue d'arond sur le manche original (sous les case 1 et2 )

Tu vas te marrer!

Voilà comment j'avais fait sur une Ibanez (folk) / même problème :

- pour le recollage :
1) Titebond et recollage en l'état, même s'il manque de petits bouts de bois ici ou là : juste s'assurer que le collage prenne sur une surface suffisante.

- pour la reconstruction de la tête :
1) j'avais d'abord viré le placage de palissandre,
2) j'avais ensuite viré 2mm de bois côté arrière,
3) puis : j'avais collé deux placages de palissandre, devant et derrière ... ça rend les lignes de cassure invisibles et ça solidifie l'ensemble,
4) on reconstruit le contour externe de la tête + lumières,
5) ponçage total et retouche vernis.

Concernant les lignes de cassure "de côté", entre la tête et le manche / et sur la pente des lumières, elles ne doivent normalement plus se voir : le retour au bois permet de s'en assurer ! Au besoin, un petit coup de ciseau pour retravailler la courbe.

J'ai toujurs dit que la housse offrait une protection imaginaire à la guitare...

Le jeu en vaut la chandelle ou c'est juste pour test ?

Merci à tous pour vos retours, avis, suggestions...

riri a écrit :Le jeu en vaut la chandelle ou c'est juste pour test ?

Je n'ai pas voulu détailler le contexte au départ, mais voilà en résumé. Ma formation en lutherie guitare cordes acier (au CMB, à Puurs) compte plusieurs étapes.
- Fabrication d'un instrument pour aborder les techniques de bases : le backpacker.
- Fabrication de 3 véritables instruments dans la spécialité : la copie de Martin 1, la jumbo Leonardo, l'OM d'après Kinkead.
- Un cours de réparation, pour lequel on est invité à apporter des instruments à réparer.

J'en suis à cette dernière étape, scolairement, même si j'ai déjà fait quelques réparations, refrettages, etc. D'où mon annonce plus haut d'une série de réparations.

J'en viens à ta question, Richard : cette guitare est neuve (achetée il y a deux semaines à 200 euros). Elle a une grande valeur pour le gamin qui venait de la recevoir. Et elle a une belle valeur d'exercice pour moi, dans le cadre que je viens de brosser.
Mais ce n'est pas une affaire de sous... ça ne tiendrait pas la route

Du coup, je vais montrer ça à mon professeur, ce sera avec lui que je déciderai au final de ce que je tente ou pas... Mon objectif : 1. restaurer la jouabilité, 2. essayer de faire quelque chose de propre, discret...

Par rapport à la crainte que ça ne tienne pas (chevilles, Ibanez folk, Blueridge aussi?), je me rassure en pensant que ce n'est "que" la tension d'une classique.

Ca vaut le coup de tenter de la réparer.
Il y a quand même une bonne surface en bois de fil, donc je pense que ça pourrait tenir (d'après ce que je vois sur les photos en tout cas).
Et puis ça ne coûte rien d'essayer, surtout dans le cadre d'une exercice... et si ça peut rendre service à cet enfant ça serait encore mieux !
On attend la suite avec impatience

Fransgreg a écrit :Par rapport à la crainte que ça ne tienne pas (chevilles, Ibanez folk, Blueridge aussi?), je me rassure en pensant que ce n'est "que" la tension d'une classique.

Sans vouloir tenter d'ébranler cette conviction, je ne peux m'empêcher de penser que même avec une tension moindre, et avec une coupe en quartier, la colle a ces limites, et l'instrument peut être mis à rude épreuve dans le future (ne serait-ce que par l'exposition à des températures un peu plus élevée que l'habituel), donc pourquoi ne pas jouer la sécurité et renforcer de manière plus consistante la cassure, d'autant plus que pour l'exercice c'est à ce niveau que devrait être évaluer la capacité a faire un travail propre et discret.
Quoi qu'il en soit, avec ou sans renfort, il me semble qu'il y a à penser deux autres aspects : a) bien introduire la colle dans les fissures (usage de coins et/ou diluer la colle) b) combler tout les éventuels espaces vides, limitant ainsi le risque de re-cassure.

Fransgreg a écrit : J'en viens à ta question, Richard : cette guitare est neuve (achetée il y a deux semaines à 200 euros). Elle a une grande valeur pour le gamin qui venait de la recevoir. Et elle a une belle valeur d'exercice pour moi, dans le cadre que je viens de brosser.
Mais ce n'est pas une affaire de sous... ça ne tiendrait pas la route

Ok Tchantchès, je comprends. Pour un enfant, c'est la plus belle. J'ai eu une expérience similaire, j'avais juste demandé du temps... le jour J, le propiétaire était venu rechercher son instrument avec Champagne et larmes aux yeux.
Inoubliable !
Bon boulot et ne fais pas languir le gamin !!

Suite et fin de cet exercice de réparation...

Je vous passe les détails, mais en gros, j'ai retiré les quelques fibres de bois instables dans la cassure, trois fois rien, et travaillé à l'emboîtement des deux morceaux à sec. Avant, j'avais recollé des deux côtés de la tête des morceaux qui bougeaient trop (titebond) et un tout petit éclat vers le trou de vis de la mécanique 6 (cyano).



Ensuite, le collage des deux morceaux se fait à l'époxy prise lente (30 minutes). Le temps de faire le mélange, d'enduire les deux surfaces au pinceau, de positionner le tout, serrer d'une part la tête vers le manche et d'autre part les surfaces avant et arrière de la tête entre des films plastique et des plaques de plexi (histoire de contrôler visuellement le travail).





Cela m'a pris 17 minutes. J'en ai encore utilisé 6 ou 7 à nettoyer le maximum d'époxy avec des cotons tiges trempés dans l'acétone.

Le lendemain, racler un peu les reliefs qui restent, boucher les micro trous à la cyano, plusieurs fois, puis ponçage à l'eau, 600, 1000, 1500, 2000. Enfin, lustrant auto.

A la fin, voilà le résultat:











Selon mon prof, mettre des chevilles risquerait de fragiliser autant que de renforcer. Comme l'emboîtement et donc l'adhérence se présentait bien, on s'en est passé.

Il y avait aussi le sillet de tête (en plastique) qui en avait pris un coup. Je lui ai mis une goutte de cyano et l'ai trempé dans de la poudre d'os, deux ou trois fois, en excès. Après ponçage des contours et de l'encoche, c'était plié.







Très content du collage. Au toucher aussi, on ne perçoit plus rien. Visuellement par contre, je n'ai pas réussi à faire tout disparaître. Les vraies fractures, c'est normal. Mais le brillant n'est pas le même dans la zone de réparation qu'ailleurs, et il y a deux éclats du placage de tête en palissandre qui ont mystérieusement éclairci dans l'opération (voir photos ci-dessus, sous les cordes 4 et 6...)...

Good job !! C'est vraiment bien réalisé, bravo à toi !!

Vu la situation (une guitare dont la valeur n'est pas historique et-ou matérielle), il me semble que le plus important n'est pas autant l'aspect esthétique (qui au passage est assez bien réussi, donc bravo) mais l'aspect mécanique, et à ce niveau seul le temps en jugera. Par contre j'aimerai bien comprendre l'idée de ton prof à propos des chevilles qui risquent autant de fragiliser que renforcer

Et le petiot est content !!